[Portrait] Renaud Riccoboni, Shaper

A l’occasion de la Coupe du Monde de Skicross à l’Alpe d’Huez la semaine dernière, nous avons rencontré Renaud Riccoboni, le Shaper en charge du tracé de la course. Interview sur ce métier très spécifique, les contraintes qu’impose un tel événement et la sécurité sur les espaces ludiques.

Renaud Riccoboni et Antoine Galland (Champion du Monde Universitaire de Skicross)

SWiTCH : Bonjour Renaud Ricoboni ! Pourriez-vous vous présenter en 30 secondes chrono ?
Renaud Riccoboni, Moniteur de ski et Responsable du Snowpark à l’Alpe d’Huez. Je suis aussi en charge du tracé de la Coupe du Monde de Skicross.

SWiTCH : Avez-vous suivi une formation spécifique pour apprendre le métier de shaper ?
Renaud Riccoboni : J’ai effectué un ou deux stages pour apprendre à shaper des Boardercross et ensuite j’ai appris sur le tas. Le fait d’être en permanence sur le terrain avec les coureurs, et de skier m’a aussi beaucoup aidé. C’est une expérience qui s’acquiert petit à petit.

SWiTCH : Combien de temps vous a-t-il fallu pour créer le tracé de la Coupe du Monde de Skicross ?
Renaud Riccoboni : Le tracé a germé dans notre tête depuis l’an dernier, mais certaines choses n’ont pas pu être mise en place faute de neige. Le parcours dépend de la neige et il est différent d’une année sur l’autre.

Pour être à l’aise par rapport à la taille des modules, ainsi qu’à l’espace nécessaire entre chacun d’entre eux, il faut plusieurs années de pratique. Les premières années, on commet forcément des erreurs, mais sur un tracé de la Coupe du Monde, nous ne pouvons pas nous permettre d’en faire. C’est la ligne sur laquelle les coureurs vont descendre à la bonne vitesse que le shaper cherche et c’est ce qui est difficile à maîtriser. Petit à petit, avec le temps et l’expérience que j’ai acquise à l’Alpe d’Huez, j’ai appris à régler le tracé de façon obtenir la ligne que j’avais en tête au départ.

Si je devais faire un tracé dans une autre station, il n’est pas certain que j’y arriverai du premier coup.

SWiTCH : Est-ce que ce tracé très « glissant » mais avec des modules moins aériens est dû au manque de neige ?
Renaud Riccoboni : Oui c’est vrai. Mais malgré le manque de neige, nous avons réussi à créer un beau tracé. Je dois avouer que ça a été un vrai challenge pour nous. Depuis le mois de Novembre, nous avons réservé de la neige pour cette course. Sans cette anticipation, nous n’aurions pas réalisé un tel parcours. Cela nous a aussi obligés à sacrifier un peu le reste du Snowpark pour la Coupe du Monde, chose que nous n’aimons pas faire vis-à-vis des clients.

SWiTCH : Est-ce que la FIS impose certaines choses dans le tracé ?
Renaud Riccoboni : Jusqu’à présent la FIS n’imposait rien, mais cela commence. Elle propose aux stations de faire intervenir un shaper, chose que nous avons faite au début. Nous avons arrêté, car nous estimons que nous avons maintenant suffisamment d’expérience.

La FIS nous demande de respecter certaines dimensions, ce qui est tout à fait compréhensible. Par exemple, sur ce parcours, la taille d’un des modules a été divisée par deux. Nous n’avons plus le droit de faire de vrais bank*, nous sommes obligés de les rejoindre entre eux par un arrondi de neige. Nous nous battons pour que le tracé reste un vrai Skicross et non pas une sorte de Slalom Géant avec quelques modules au milieu.

La FIS insiste aussi sur le fait que le tracé ne doit pas être trop rapide pour que les caméras de télévision puissent suivre la course.

*Bank : Virage très incliné permettant un passage quasiment à l’horizontal des coureurs.

SWiTCH : Que va devenir le tracé une fois la Coupe du Monde Skicross terminée ?
Renaud Riccoboni : Nous accueillons deux autres évènements cette semaine : la Coupe de France Skicross le 14 Janvier et l’Ofé X Day le 15 Janvier. Ensuite, l’équipe de France de Snowboard vient s’entraîner.

Notre objectif est d’avoir une piste d’entraînement permanente de niveau Européen, afin d’accueillir les équipes, les comités, etc. La piste sera proposée avec différentes options de location (nue, avec le chrono, avec les portes, etc.), afin de rentabiliser le temps passé.

SWiTCH : De qui dépend la gestion du Snowpark ?
Renaud Riccoboni : Le Snowpark est géré par une association, Anim’Alp. Elle est subventionnée par la Mairie, la SATA et l’Office de Tourisme. En échange de quoi nous gérons des évènements, tels que les Coupes du Monde, de France, etc. Mon équipe, constituée de 5 personnes, est en charge de dessiner des lignes de modules et de faire les préformes du Snowpark. Une fois ce travail réalisé, ce sont 3 shapers – et conducteurs de dameuse – qui effectuent les finitions.

SWiTCH : Est-ce que vous êtes aidé par des bénévoles au fur et à mesure de la saison ?
Renaud Riccoboni : À part une ou deux personnes qui viennent nous aider de temps en temps, nous n’avons pas de bénévoles, notamment pour des raisons d’assurance. Nous aimerions, mais ils ne seraient pas couverts en cas d’accident. C’est la raison pour laquelle toutes les personnes qui travaillent au sein d’Anim’Alp sont des moniteurs de ski diplômés d’État.

SWiTCH : Quelle est la plus grosse difficulté de votre métier ?
Renaud Riccoboni : Le plus dur c’est que tout le monde veut donner son opinion sur ce qu’on construit. Il y a beaucoup de bonnes idées et le plus difficile pour moi est de dire Stop ! Au-delà du nombre d’heures de machine qui est en jeu (il faut compter en moyenne 300 € H.T. pour une heure de dameuse, hors salaire du chauffeur, NDLR), nous ne pouvons pas nous permettre de déplacer trop de modules quelques jours avant un évènement comme celui de la Coupe du Monde, car il faudrait modifier tout le tracé. Je ne vous cache pas que les inspections qui ont eu lieu ces derniers jours ont été un peu tendues.

SWiTCH : Quelle est la question que nous ne vous avons pas posé et que vous auriez aimé qu’on vous pose ?
Renaud Riccoboni : La question de la sécurité dans les Snowpark ! Les gens se lancent souvent sans aucune connaissance, ni reconnaissance préalable du terrain et des modules. Ils ne sont pas équipés pour : pas de dorsale, ni de casque, etc. Ils ne prennent pas connaissance des règlements affichés à l’entrée des Snowpark. Résultat : nous avons parfois des accidents graves ! Nous devons trouver un moyen de faire passer les messages sinon un jour il n’y aura plus de Snowpark tel que nous les avons aujourd’hui. Nous serons obligés de les aseptiser. La préfecture de police est déjà en train de mener une enquête concernant les accidents dans les Snowpark. Petit à petit nous n’aurons plus de liberté.

SWiTCH : Oui. Cela dit lors de notre tour du monde des domaines skiables nous avons pris connaissance d’études d’accidentologie dans les snowparks menées en Scandinavie et en Amérique du Nord démontrant qu’il n’y avait pas plus d’accidents dans les zones ludiques que sur les pistes. Par contre, quand ceux-ci arrivent, les traumatismes et leurs conséquences sont souvent beaucoup plus graves.

SWiTCH : A ce propos, que pensez-vous pensez des systèmes de « permis » avec formation permettant d’accéder aux zones ludiques, comme il en existe en Amérique du Nord ?
Renaud Riccoboni : Je suis pour, mais les français n’aimeront pas l’idée qu’on leur impose encore quelque chose ! Nous essayons de fermer les zones, d’obliger les gens à passer dans un endroit de plus en plus étroit, pour qu’ils soient conscients de ce qu’ils font et dans quelle zone ils se trouvent. Nous mettons des panneaux, traçons des lignes de couleur, mais nous nous apercevons que les gens n’y prêtent pas attention.

Je me demande ce qui serait le plus efficace pour que les personnes prennent connaissance des règles à respecter dans un Snowpark.

Il y a beaucoup de reportages sur les snowparks sur les chaînes de TV nationale, mais aucun d’entre eux n’aborde le thème de la sécurité. Ils nous montrent des gamins faire des prouesses sur les Big Air, mais jamais il n’est précisé que ces jeunes ont de l’expérience. Il faudrait peut être commencer par là avant de mettre en place des systèmes de permis.

Avec un budget plus important, nous pourrions être plus nombreux sur les Snowpark, afin de faire de la prévention. Je suis convaincu que la meilleure solution à l’heure actuelle serait d’avoir 3 personnes dans les Snowpark à chaque début de semaine pour arrêter les gens et les informer.

SWiTCH : Merci Renaud ! Et bonne continuation sur le snowpark de l’Alpe d’Huez.


Article écrit à 4 mains par Justine Cougoureux et Armelle Solelhac
Crédit photo : Armelle Solelhac

Les enjeux de l’organisation d’un événement « freestyle » en matière de communication et de positionnement d’une destination touristique hivernale – 2/2

La semaine dernière, nous avons assisté à la Coupe du Monde de Skicross à l’Alpe d’huez. Nous avons à cette occasion interviewé Yves Breton, élu de la Commune et Directeur de la Compétition, et Renaud Riccoboni, Shaper du tracé du Skicross. Nous avons aussi posé le micro de notre dictaphone devant Valérie Serpollet, Responsable du Service Presse / Communication à l’Alpe d’Huez Tourisme. Elle nous a expliqué comment un événement freestyle s’intègre dans la stratégie de communication de la station et comment son équipe a communiqué sur cette opération.

 

SWiTCH : Quel est l’intérêt d’organiser une Coupe du Monde de Skicross pour l’Alpe d’Huez ?

Valérie Serpollet : La Coupe du Monde de Skicross n’a pas lieu à l’Alpe d’Huez par hasard. Il s’agit d’une compétition internationale, ce qui sous-entend un cahier des charges très strict. Tous nos services sont préparés, rodés et la station a l’infrastructure nécessaire pour organiser de façon efficace un tel évènement.

Au-delà de l’aspect logistique, cette opération répond véritablement à l’un des objectifs de la station qui est d’ouvrir cette discipline plutôt confidentielle au plus grand nombre. Grâce à la configuration de la course, skieurs mais aussi piétons se rendent facilement près de la raquette et peuvent profiter du spectacle tout au long du tracé. La chance de cette discipline est d’être spectaculaire, elle vaut le déplacement ! Je suis donc convaincue qu’elle est abordable, et pas réservée exclusivement à des passionnés.


SWiTCH : Quels outils de communication avez-vous utilisés pour communiquer sur cet événement ?

Valérie Serpollet : L’idée était de créer un ensemble d’actions de communication, en utilisant différents canaux possibles. Nous avons communiqué principalement via la radio, la télévision, la presse et internet. L’évènement a donc été annoncé au niveau national et local sur NRJ. La Finale sera diffusée en direct sur Eurosport et retransmise sur NRJ12. Un certain nombre d’articles et d’encarts publicitaires sont parus dans la presse.

En ce qui concerne internet, toute la problématique a été de savoir si nous allions créer un site internet dédié ainsi qu’une page spécifique à l’évènement sur Facebook. Finalement, nous avons décidé de communiquer via le site et la page Facebook de l’Office de Tourisme de l’Alpe d’Huez. Le profil de l’Alpe d’Huez sur Facebook n’a que quelques mois d’existence et nous voulions le booster plutôt que d’en créer un nouveau.

Étant donné la discipline, nous sommes sur une cible « jeune public », qui correspond au profil de clientèle de la station. Nous nous devions d’utiliser des outils de communication proches de cette cible pour lui donner rendez-vous sur l’évènement. Dans cette optique, nous avons créé sept spots vidéo d’une minute maximum reprenant des victoires d’Ophélie David. Ces spots ont été diffusés sur le site internet de l’Office du Tourisme pour créer le buzz et annoncer l’évènement. D’ailleurs, certains de ces spots ont aussi été diffusés sur NRJ12 dans le cadre d’un partenariat.

Nous avons mis en place un système de flashcode sur les différents supports (BD, site internet) qui invite les personnes à participer à un jeu vidéo Skicross. Ce jeu, disponible en ligne, permet aux internautes de se confronter virtuellement à Ophélie David. Notre prestataire a aussi créé un communiqué de presse sous la forme de BD pour annoncer l’évènement dans la presse.

Avec ces outils de communication, la station communique de façon originale auprès des lecteurs et internautes. Nous avons essayé de sortir des sentiers battus !

 

SWiTCH : Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?

Valérie Serpollet : La principale difficulté était de monter un plan média cohérent par rapport à notre objectif de notoriété et à notre volonté de faire découvrir la discipline.

 



SWiTCH : Comment pensez vous que cet évènement s’insère dans la stratégie de communication et participe au développement de la notoriété de l’Alpe d’Huez ?

Valérie Serpollet : Nous avons un positionnement clientèle sportive et familiale. Avec cette compétition, nous sommes complètement dans la cible.

La Coupe du Monde de Skicross répond à trois de nos objectifs. Elle permet d’augmenter la notoriété de la station, de faire connaître la discipline au plus grand nombre et d’attirer la clientèle pendant une semaine calme. Quelque soit la saison, nous misons sur l’évènementiel pour faire la différence et attirer des clients dans notre station pendant les semaines creuses.



SWiTCH : Avez-vous créé des produits spécifiques pour attirer la clientèle pendant événement ?

Valérie Serpollet : Nous voulons séduire dans la durée. Pour cela nous avons créé deux offres promotionnelles spécifiques. La première est une offre de séjour dont l’objectif est d’inciter les personnes à profiter de l’évènement pour découvrir l’Alpe d’Huez sur une semaine. La seconde est une offre journée avec un forfait à 13€ au lieu de 42€, destinée à la clientèle de proximité.

SWiTCH : Comment l’information a-t-elle été relayée pour que les socioprofessionnels adhèrent à l’évènement ?

Valérie Serpollet : Le planning évènementiel de la station est défini très en avance. Les informations sont diffusées très en amont par rapport à la saison d’hiver que ce soit sur Internet ou en affichage dans la station. C’est principalement de cette façon que les socioprofessionnels ont été informés de l’évènement.

SWiTCH : Finalement, ont-ils adhéré à cet évènement ? Ont-ils joué le jeu et relayé l’information auprès de leurs clients ou prospects ?

Valérie Serpollet : On peut dire que tous le font naturellement même si les adhésions ou non-adhésions ne sont pas toujours visibles. Avec un évènement  comme celui-ci, nous cherchons surtout à améliorer la notoriété de la station et sa fréquentation. L’an dernier, lors de la 1ère édition, la compétition ne s’est pas déroulée comme prévu à cause d’une mauvaise météo. Il a donc été encore plus difficile de convaincre tout le monde de l’intérêt d’un tel évènement dès le début.

Cette année, nous savons d’avance que certains se plaindront de la faible fréquentation, mais il faut que cette Coupe du Monde de Skicross fasse son chemin dans les esprits de chacun, car elle est justifiée. Nous avons une image de station sportive, nous avons les infrastructures nécessaires et nous avons déjà acquis une certaine réputation dans cette discipline. Malheureusement, nous ne maitrisons pas tous les facteurs comme la météo ou les dates de l’évènement. Si la Coupe du Monde avait lieu un week-end, nous aurions sans doute plus de spectateurs et les retombées ne seraient pas les mêmes pour les socioprofessionnels. Nous n’avons pas le choix des dates. Cette année, la finale se déroule un mercredi ce qui nous permettra de toucher un certain nombre de Ski-Club des alentours.


SWiTCH : Quels sont les prochains rendez-vous du Skicross à l’Alpe d’Huez ?

Valérie Serpollet : L’actualité Skicross est chargée à l’Alpe d’Huez cette semaine puisque nous organisons la Coupe de France ce Vendredi 14 Janvier et la 1ère édition de l’Ofé X Day le 15 Janvier. Ces deux évènements s’inscrivent totalement dans la logique d’ouverture de la discipline.

Ophélie David, notre ambassadrice et grande championne est à l’origine de l’Ofé X Day. Malheureusement, elle a un calendrier chargé et ne pourra être présente cette année, mais ça n’est que partie remise ! Cet évènement reste une compétition sportive, mais le niveau n’est pas le même et un certain nombre d’animations la rendront plus festive. Nous sommes sur le créneau de la glisse « autrement », l’idée est de s’amuser. Nous voulons que cette journée permette au plus grand nombre de découvrir que cette discipline, ludique et spectaculaire, est praticable même par « monsieur  ou madame tout le monde ».  Comme je vous le disais, c’est une première, et l’évènement évoluera sans doute dans le temps.

SWiTCH : Y aura-il une Coupe du Monde Skicross à l’Alpe d’Huez en 2012 ?

Valérie Serpollet : Joker ! 😉

SWiTCH : Merci Valérie d’avoir répondu à toutes nos questions, ainsi qu’à toute ton équipe pour votre accueil chaleureux !

Article rédigé à 4 mains par Justine Cougoureux et Armelle Solelhac

Carte postale de Valloire !

Bienvenue dans notre usine laboratoire de travail ! C’est ici que nous élaborons pour vous des solutions efficaces pour la réussite de vos projets et de vos stratégies de développement touristique en montagne.

Avant-hier nous étions à l’Alpe d’Huez, aujourd’hui à Valloire ! Il fait beau, il fait chaud et nous avons les pistes pour nous tous seuls. En deux mots : le bonheur !

Les enjeux de l’organisation d’un événement « freestyle » en matière de communication et de positionnement d’une destination touristique hivernale – 1/2

Après la Coupe du Monde féminine de slalom à Courchevel le mois dernier, nous sommes allés faire un tour du côté de l’Alpe d’Huez à l’occasion de la Coupe du Monde de Skicross (du 10 au 12 janvier 2011) pour comprendre les enjeux de l’organisation d’un événement « freestyle » en matière de communication et de positionnement d’une destination touristique hivernale. Nous avons y rencontré Yves Breton, élus à la Mairie de la station et Directeur de la compétition.


SWiTCH : Expliquez-nous l’origine du projet ? Pourquoi organiser une Coupe du Monde de Skicross à l’Alpe d’Huez ?

Yves Breton : Il y a un d’une part une tradition importante d’accueil d’événements internationaux à l’Alpe d’Huez, et d’autre part, c’est un peu une pépinière de champions. Par ailleurs, la porte du ski alpin est plus difficile à ouvrir parce qu’elle nécessite de plus gros moyens financiers, davantage d’hébergements et des ressources humaines plus conséquentes. Même si nous pouvons organiser des Coupes d’Europe en ski alpin, nous avons décidé de nous concentrer sur des disciplines émergeantes : les deux premières Coupes du monde qu’on a fait étaient en snowboard avec des épreuves de halfpipe et de géant parallèle (en 2002 et 2003, NDLR). L’idée d’organiser une Coupe du monde de Skicross a donc germé progressivement.

On a commencé par accueillir des Coupes de France et d’Europe, ce qui nous a permis de suivre de jeunes athlètes français prometteurs dans ces disciplines, ainsi qu’Ophélie David qui avait déjà percé à l’époque, mais aussi de nous faire remarquer par la FIS (Fédération Internationale de Ski). Nous avons d’abord reçu des visites de délégués de la fédération française, puis ceux de la FIS, qui ont soutenu la demande de la station.

Tous les ans, la FIS donne des dates à la FFS, qui attribue alors un certain nombre de courses selon son programme. C’est cette dernière qui décide quelles seront les stations organisatrices. Le processus pour obtenir une compétition prend en moyenne 4 ans.

On s’aperçoit que les calendriers sont très chargés. Beaucoup de dates sont devenues incontournables. Il reste donc très peu de créneaux pour des stations qui voudraient s’insérer dans le calendrier. Mon souhait, à terme, serait que l’Alpe d’Huez s’inscrive dans le calendrier des classiques.

SWiTCH : A-t-il été facile de convaincre les acteurs de la station de la pertinence de ce type d’événement plutôt que de jouer sur les valeurs sûres et traditionnelles des épreuves en alpin ? 

Yves Breton : Le constat est simple : la Coupe du Monde de Skicross c’est 250 000 € de budget. Cette année, il a fallu produire de la neige de culture en grande quantité pour faire le parcours et cela a constitué une difficulté supplémentaire. Si on ajoute à cela le coût des heures de dameuse et les salaires des shapers, le budget monte. Si l’on valorise aussi les salles de presse du Palais des sports, les services techniques de la Commune, on peut ajouter 150 000€ à cette enveloppe budgétaire. Mais une Coupe du Monde de ski alpin c’est entre 1 million et 1,5 million d’euros. Ce n’est pas la même dimension ! L’année dernière, on nous a dit que cette Coupe du Monde de Skicross coutait cher. Lorsqu’on y regarde de plus près, on se rend compte que la moitié du budget est en fait réinjecté dans l’économie locale avec l’achat de nuitées en hébergement, de prestations de service et de promotion. L’autre moitié sert à payer des prestataires extérieurs pour la location de matériel. Cette année, grâce aux partenariats que nous avons mis en place avec les médias (Radio et TV), nous avons obtenu une exposition valorisée entre 650 000 € et 700 000 € avant même l’évènement ! Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, pour 1 € investi, il y a 6,5€ de promotion derrière. C’est un argument fort pour que cette Coupe du Monde de Skicross perdure.

SWiTCH : Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?

Yves Breton : La première difficulté rencontrée a été de mobiliser des personnes  autour du projet. C’est un gros travail, d’abord mené par des bénévoles. Ensuite, il a fallu transmettre tout le savoir-faire des bénévoles au niveau du Service Evènement de la station de façon à ce qu’ils puissent prendre le relais et faire grossir l’évènement.

SWiTCH : Comment pensez vous que cet évènement s’insère dans la stratégie de communication ou participe au développement de la notoriété de l’Alpe d’Huez ?

Yves Breton : Nos cibles sont les familles et les jeunes sportifs. Cet évènement touche directement cette deuxième cible. En ce qui concerne les familles, à cette occasion, nous mettons aussi en avant tout l’espace ludique de la station. En effet, à proximité du site de compétition, se trouve notre snowpark avec différents modules.

Par ailleurs, on s’est rendu compte que l’Alpe d’Huez a une notoriété très forte mais qu’elle n’est pas forcément connotée station de ski. L’Alpe d’Huez est souvent associée au vélo et au Tour de France. L’objectif avec un tel évènement ayant une exposition internationale c’est aussi de faire découvrir que la station est aussi une destination de ski avec un domaine vaste et varié.

SWiTCH : La station des Contamines organise aussi de très belles épreuves de Skicross et offre tout l’hiver un très beau boardercross. Comment vous positionnez-vous par rapport à cette station, même si la taille de vos domaines skiables et la capacité d’accueil de vos villages ne sont pas tout à fait les mêmes ?

Yves Breton : Nous ne sommes pas en concurrence, mais plutôt complémentaire. Nous faisons partie d’un circuit français qui est dans le grand circuit de la Coupe du Monde. Même si chacune a ses spécificités. Les Contamines ont une cible plus sport et plus jeune, ce n’est pas l’objectif de l’Alpe d’Huez.

SWiTCH : Est-ce qu’en dehors de la course, on pourrait imaginer que l’Alpe d’Huez devienne un pôle d’excellence dédié aux disciplines Skicross & Boardercross ?

Yves Breton : C’est effectivement une idée que nous avons. Une fois que l’outil est construit, pourquoi ne pas l’utiliser ? Nous souhaiterions pouvoir mettre la piste à disposition de différents teams, qu’ils évoluent en Coupe d’Europe ou du Monde. Ce qu’il faut savoir c’est qu’en Coupe du Monde, une fois que le circuit commence, les jours d’entrainement sont assez rares. Par contre, les équipes de la  Coupe d’Europe ont plus de temps. Le principal problème que nous rencontrons est que pour pouvoir offrir ces prestations dans des conditions de sécurité optimales, il faudrait pouvoir fermer le stade de haut en bas de chaque côté avec de filets pour éviter tout accident. Il faudrait également avoir le même dispositif médical que pendant la Coupe de Monde, ce qui est très contraignant. Les budgets engagés seraient hors de proportion avec ce qu’il est possible de facturer à des équipes.

SWiTCH : Quels sont vos espoirs en termes de résultats sportifs pour cette 2ème édition de la Coupe du Monde de Skicross à l’Alpe d’Huez ?

Yves Breton : Je n’ai pas vraiment eu le temps d’y penser. En tant qu’organisateur d’un évènement, j’ai un peu la tête dans le guidon. Je vivrai la course quand elle sera terminée ! On a espoir que nos jeunes fassent quelque chose, même si aujourd’hui ça a été un peu dur au niveau des qualifications. On a remarqué que le parcours était très exigent. Il privilégie la glisse, chose que nous ne savions pas avant ce matin.

SWiTCH : Et pour l’avenir de l’événement ?

Yves Breton : Mon rêve serait d’avoir des tribunes aux pieds du stade, d’avoir 5 000 à 7 000 personnes dans ces tribunes, ainsi que du public tout le long de la piste !

 

Remerciements : Valérie Serpollet, Céline Perrillon et toute l’équipe organisatrice de l’événement pour leur accueil chaleureux et sans faille.

Article rédigé à 4 mains par Justine Cougoureux et Armelle Solelhac
Crédits Photos : Justine Cougoureux